Black canvas

En 2008, grâce aux rayons X à haute intensité, un groupe de chercheurs a découvert le portrait d’une femme dans « Le coin d’herbe » de Vincent van Gogh. Des techniques toujours plus pointues permettent de déceler des esquisses ou des couches de peintures plus anciennes. Pour des raisons de qualité artistique ou financière, il arrive régulièrement que des artistes repeignent par-dessus leurs propres toiles.

Avec Black Canvas je veux proposer aux peintres de s’approprier une toile vierge, dont la surface ne soit pas blanche, mais cache l’une de mes photographies recouverte de peinture noire. La toile ne réfléchit plus la lumière mais l’absorbe, elle est réinventée de l’intérieur par ce geste de don superposé. Le peintre qui acceptera de se l’approprier ne pourra pas totalement se détacher du fait qu’elle a une histoire. C’est une œuvre bien sûr mais aussi un parcours, un cheminement, un secret partagé, un travail de fouille inversé. Une invitation passe-murailles où le peintre devient photographe par procuration et vice-versa. Dans quelques années le temps sera venu de faire une exposition de photographies ne montrant que des peintures. 

Toujours en balance entre image fixe et mouvement, mes photographies sont ainsi sous-tendues par cet enjeu de maitriser l’écoulement du temps par le biais d’images très sombres, le noir pouvant « donner à voir » comme l’affirmait Daniel Abadie citant Paul Eluard dans Lumière Noire (Editons du Regard, 2016). Dans cette série, l’usage du noir me permet aussi d’atteindre une sensationde l’ordre de l’enfouissement. Ma photographie originale devient ainsi une présence abstraite, à la fois enterrée et protégée sous cette surface, vouée à une postérité toute aussi invisible que réconfortante. 

Plusieurs peintres font déjà partie de cette aventure dans laquelle ils identifient un défi créatif ainsi qu’un acte écologique et de partage.

(Formats : 1 m x 1 m environ)