Lumière noire, Maison européenne de la photographie

(2016)

Pour sa première exposition à la Maison Européenne de la Photographie, Tadzio propose une série de 16 images créées à partir d’éléments architecturaux contemporains.

Ce travail, composé de clichés sous-exposés, est pour Tadzio une manière d’atteindre une forme d’abstraction. « Une façon aussi de laisser penser que j’ai pu photographier un instant qui n’a pas existé, puisque les images sont faites en plein jour, mais laissent supposer une autre temporalité».

Dans ses séries précédentes, le thème de la condition humaine était omniprésent. L’homme semblait opprimé par l’environnement urbain, glacé dans une architecture contemporaine d’une froideur palpable. Dans cette série, l’artiste se sert d’éléments architecturaux similaires pour composer, à l’inverse, une œuvre abstraite d’un grand lyrisme. Un travail de monochromie surprenant qui contribue, selon les mots de l’historien d’art Daniel Abadie, « à transformer ces fragments du réel en étonnants tableaux abstraits, évoquant les peintures d’Ad Reinhardt où le noir, loin d’être uniforme, finit par révéler grâce à ses infimes variations de nuances – que l’œil ne découvre qu’après une lente acclimatation – la structure géométrique qui est l’ossature et la composante même du tableau ».

La « lumière noire » de Tadzio peut aussi faire penser à l’esthétique japonaise, d’abord par la pureté de ses lignes, mais encore parce qu’elles évoquent la notion de « ma », dans laquelle il n’y a pas de distinction entre le temps et l’espace. Pour l’artiste, chacune des images présentées à la Maison Européenne de la Photographie porte en elle cette idée d’un instant figé dans l’intervalle de deux objets : la bordure du bâtiment et le ciel infini.

Maison Européenne de la Photographie

Lumière noire, Daniel Abadie, éditions du Regard, 2016

Tadzio, Lumière noire, Daniel Abadie, éditons du Regard

À mi-chemin entre la peinture et la photographie, l’œuvre récente de Tadzio, brillamment mise en perspective par un texte de Daniel Abadie, interpelle par son étonnante ambiguïté. Capturant autant qu’il les esquisse – notamment à travers un travail sur le noir, et le choix d’angles souvent inattendus – les arêtes et crénelures qui composent les lignes d’architectures, Tadzio nous invite à poser sur ces dernières un regard inédit. Ainsi défaits de leurs « effets de texture » et de leurs « couleurs originelles », les « fragments de réel » qui composent ces clichés se présentent aux yeux de celui qui les regarde comme des tableaux abstraits, qui ne sont pas sans rappeler des artistes tels Ad Reinhardt, François Morellet ou Antoine de Margerie.

Sombre reflet de notre époque ? La question mérite d’être posée. Ce regard, comme une plongée au cœur de l’obscurité, nous amène à repenser le rôle de l’artiste, qu’il soit peintre ou photographe. « Donner à voir », nous dit Paul Eluard. Certes, mais « donner à voir » autrement.

Editions du Regard

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